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Ça fout la trouille.

 

Curieux articulet (2 mn de lecture avertit le quotidien) qui ne mérite pas le nom d'éditorial - il y a bien peu de pensée là-dessous - pas plus celui d'Analyse - elle est sidéralement absente - encore moins de figurer dans une rubrique Rebonds - tout ici tombe à plat ; à peine dans celle des Potins de la Commère. de la si baroque Carmen Tessier que tout le monde a du reste oubliée

Première leçon pour ces journalistes qui se croient importants parce qu'ils errent au cœur de l'événement. Qu'ils se rassurent on les oubliera bien vite ; aussi vite que cet événement qui l'est rarement et qu'au reste on ne reconnaît qu'après coup ; aussi outrageusement que ce milieu par nature déconsidéré et qui laisse si peu de traces. Ils ne sont après tout que les faire-valoir, les clowns blancs d'Augustes qui ne font plus rire personne, depuis longtemps.

La Trouille ce serait celle de voir gagner un trublion, un trouble-fête, un fou furieux aux prochaines élections bref un populiste, un amateur ; un subversif renversant d'autant plus aisément le jeu qu'il serait démagogique, hors-système …

Bah Macron s'y connait : venu de presque nulle part il a bien profité du désastre ambiant, non ?

Mais quoi les amuseurs publics, les fous du roi ont toujours existé. Mitterrand n'aurait raté pour rien au monde un spectacle de Bedos qui pourtant ne le ménageait pas. Des chansonniers d'autrefois, sans analyse politique mais croquant plutôt les individus aux Ferdinand Lop et autres bateleurs des rues … A-t-on oublié la vraie-fausse candidature de Coluche en 1981 à quoi tout le monde s'amusa de croire en se faisant peur … Le bon bourgeois aime tellement avoir peur pour justifier sa pensée étroite et ses réactions étriquées.

Pourquoi ne pose-t-on pas la vraie question : celle du discrédit de l'ensemble de la classe politique ; celle d'un corps électoral qui a cessé d'espérer quoique ce soit de positif du politique ; même une réponse ; même mauvaise.

S'il m'est un vrai sujet d'inquiétude c'est celui-ci : ce stade de dépérissement tel que la démocratie elle-même a peur du peuple.

On a beaucoup souri de la prédilection de la IIIe pour des personnages falots, besogneux, ordinaires. Pour son entêtement à ne pas donner trop de pouvoir à un président voire même un président du conseil ou alors qui ne fût lourdement compensé par le contrôle ou les coalitions improbables du Parlement. Le prix à payer fut l'impossibilité sauf exception (Clemenceau par exemple) de s'identifier à quiconque ; celui évidemment de l'instabilité gouvernementale - sensible surtout après 1918 mais la motivation essentielle restait la crainte d'un 2 décembre.

Ce refus du césarisme aura été évidence commune jusqu'à l'incapacité d'offrir un front solide et commun face à la montée du nazisme. A la Libération encore le projet d'un exécutif fort restait controversé ; il aura fallu le charisme d'un de Gaulle, la tragédie algérienne et l'impuissance de la IVe pour accoucher de cette Ve étonnante parfois d'anti-républicanisme. Tout alla à peu près correctement tant que le régime parvint à susciter des présidents à la hauteur des pouvoirs exorbitants qu'on leur confiait. Depuis Chirac, personnage sans doute amène mais sans réel projet politique, assumant fièrement que les promesses électorales (n'engageaient) que ceux qui y croyaient tout se dégrade.

La fonction n'est pas ordinaire ; les acteurs le sont devenus. Le régime ne s'en accommode pas. On avait reproché en son temps à de Gaulle de s'être donné une constitution à sa mesure qui ne conviendrait assurément pas à ses successeurs. Mitterrand suggérait que ce régime avait été dangereux avant lui et le redeviendrait après lui. Il est certain en tout cas qu'on ne confie pas autant de pouvoirs à un seul homme, sans contre-parties ni contre-pouvoirs sans inconvénients graves ou risques majeurs. D'avoir réduit la durée du mandat n'a rien changé et plutôt aggravé le processus : la concomitance des élections présidentielles et législatives ouvre pour cinq ans une voie royale sans presque de retenue. Monarchie républicaine a-t-on parfois suggéré : c'était camoufler sous un habile oxymore qu'il ne s'agissait déjà plus de République.

L'expérience aura montré - peut-on en être surpris ? - que ce sont les événements qui disposent des hommes : d'affaire Benalla en Gilets Jaune puis en grèves contre la réforme des retraites puis la crise sanitaire auront ruiné très vite la suffisance de Macron et émietté l'illusion d'un nouveau monde - dont la presse servile se sera empressée d'entonner la cantate - balayant comme à la parade l'ancien, désuet, nécrosé, stérile. Les intérêts contraires à l'intérieur comme à l'extérieur firent de la normalité de Hollande une galéjade : d'avoir confondu direction d'un pays avec celle d'un parti, conçu que l'art de la synthèse et un peu d'habileté suffirait à tout résoudre, l'aura balayé en un tournemain ; quand au fantasme sarkozyste d'une hyperprésidence il finira, dans le registre des orgueils agités et d'une communication trop visiblement habile pour être encore efficace, dans les pires compromissions droitières.

C'est bien la seconde leçon qui devrait faire l'humilité des politiques : ils disposent rarement des événements - voire jamais - ce serait plutôt l'inverse. « Quand les événements nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs. » aurait dit Clemenceau. Mais je crois bien que cela dépasse les seuls événements : de nos actes à nos théories nous faisons parfois comme si, supportant mal d'être sujets plutôt qu'acteurs.

Peut-être faudrait-il admettre qu'un régime politique s'use à l'instar du pouvoir, d'un gouvernement ou d'une majorité et que l'entropie désormais a gagné la Ve comme elle l'avait fait à partir des années 20 pour la IIIe. Ou, avec Mendès-France maintenir que la République, par définition, est parlementaire ? Que tout excès de pouvoir accordé à l'exécutif et donc finalement à un homme est dangereux.

(A comparer avec ce que de Gaulle en dira en septembre 65 et de ce qu'il appelle la majorité nationale peu avant sa réélection en décembre 1965)

La France a toujours eu du mal avec ses constitutions ; du mal à trouver un équilibre satisfaisant entre exécutif et législatif. Celui de 1958 manifestement convenait à la situation. Il ne convient plus ; en tout cas plus tel quel. L'éparpillement partisan a nui à la stabilité sous la IIIe et plus encore sous la IVe ; la bipolarisation produite en tout cas accélérée par une présidentielle à deux tours a longtemps servi le régime. Deux sensibilités à droite (légitimiste ou césarienne et orléaniste - Gaullisme ( UDR puis RPR) et UDF ) en face d'une gauche, elle-même biface (montagnarde PC et girondine, PS). Las les gaullistes ont disparu de la scène, au moins dans leur spécificité - ils sont devenus aussi libéraux que les autres - d'où UMP puis LR - quand à la gauche le PC déclinant au point de cesser de compter comme force politique, ne restait plus qu'une social-démocratie de plus en plus libérale elle-aussi d'où l'éclatement du PS et l'apparition de cet OVNI qu'est le salmigondis LRM rassemblant des gens de gauche et de droite, prétendant être les deux en même temps, se vantant de dépasser le clivage mais comme toujours dans ces cas-là avec une politique -très- de droite. Il n'y a que l'homme de droite pour s'imaginer que ceci n'a plus de sens [3]

La gauche se sera mal remise de ses vingt années de pouvoir entre 1981 et 2017 : la droite très mal d'en avoir été si longtemps écarté. L'effondrement du bloc de l'Est, la fin par KO technique du marxisme comme pensée politique alternative, a laissé le pragmatisme libéral comme ersatz de dogme et favorisé l'invraisemblable embrouillamini idéologique actuel qui, sans doute favorise l'extrême droite.

Néanmoins c’est toujours une tentation des élites - et une pente incroyablement dangereuse - que de rejeter la faute sur le peuple, le corps électoral, les gens - qu'importe la manière dont on le nomme car cela désigne simplement tous ceux qui ont le désavantage de ne pas faire partie des élites, des premiers de cordée, des dominants !

N'oublions jamais que jusqu'en 32, PC et SPD alliés dépassaient le NSDAP et qu'aux élections de 33 trahison de la droite conservatrice et division de la gauche offrirent un boulevard à Hitler. Il n'est pas question ici de réécrire l'histoire, simplement de mentionner combien, si erreurs il y eut, elles furent le fait des partis, des élites, des intérêts conjugués et parfois divisés. Incriminer le peuple revient toujours à disqualifier, tôt ou tard, la démocratie elle-même.

Que fut une grossière erreur de vouloir se passer des intermédiaires comme le tentèrent successivement Sarkozy et Macron ; que ce fut un mensonge - je n'ose écrire une sottise car ces gens-là sont loin d'être sots - de laisser accroire que les idéologies étaient mortes, avaient été funestes quand le pragmatisme n'est en réalité que l'idéologie du fait ; que c'est malhonnêteté que d'utiliser des pseudo-concepts comme anti-système ; populisme etc qui ne disent rien, ou que de très confus ; qui n'aident pas à penser. On peut détester les deux, mais qu'un concept ne permette pas de distinguer entre Le Pen et Mélenchon, n'est pas un concept, pas une abstraction mais un attrape-nigauds.

Alors oui, ultime leçon : reste à poser la question, radicale, d'un rééquilibrage des pouvoirs qui pour une fois, ne commettrait pas les erreurs du passé en simplement les inversant. De ^pouvoirs qui, pour une fois, feraient confiance :

 

Alors, oui, Hanouna … mais qui en a précédemment joué ? Zemmour ? mais qui le fréquente et le laisse parler malgré ses nombreuses condamnations et dérapages ? Et tous ces J Graziani et autres Onfray … ? Qu'on n'ose même plus condamner par pseudo-respect d'une liberté d'expression aussi mal pensée que le reste. Non ! pas pensée du tout.

Il serait temps de s'y remettre.

La classe politique n'est pas seule fautive ! La presse, de moins en moins analyste et critique, de plus en plus suiviste par manque de courage et/ou de culture, y a sa part !

Très beau documentaire il y a quelque temps sur Beuve-Mery et de Gaulle ! oui on pouvait parler de journal de référence. La référence n'y est plus. Le journal survit ! médiocrement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 


 


Zemmour, Ruffin, Hanouna… Emmanuel Macron face à la peur des outsiders en vue de 2022

 

Solenn de Royer

L’émergence d’une figure populiste hors des partis traditionnels inquiète l’Elysée, observe dans sa chronique, Solenn de Royer, journaliste au « Monde ».

Publié le 24 mai 2020 à 01h37 -

Emmanuel Macron devant l’Arc de triomphe lors de la célébration du 75e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, à Paris, le 8 mai.Emmanuel Macron devant l’Arc de triomphe lors de la célébration du 75e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, à Paris, le 8 mai. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »

Chronique. « Ça fout la trouille. » C’est un puissant conseiller de l’exécutif qui le dit. Au sommet de l’Etat, l’hypothèse de l’émergence d’une figure populiste hors parti, est un véritable objet d’inquiétude, dans la perspective de 2022, alors que la défiance contre le pouvoir s’est encore épaissie pendant la crise sanitaire. « Un Zemmour, un Raoult, un Hanouna, pourquoi pas une Elise Lucet, qui incarnent chacun à leur manière cette rupture entre le peuple et les élites, peuvent faire irruption dans le jeu et tenter de poursuivre la vague de dégagisme de 2017 », veut ainsi croire un poids lourd du gouvernement.

A l’Elysée, la fiction Baron noir, qui met en scène un professeur blogueur, Christophe Mercier, cristallisant soudain la colère des Français, est d’ailleurs dans toutes les têtes. Certains conseillers sont d’autant plus troublés que la série écrite par Eric Benzekri, et tournée au palais, a imaginé une présidente élue sur un axe central (« La France unie ») hors des partis traditionnels, un positionnement proche de celui de Macron. « Le président redoute notamment qu’un François Ruffin, par exemple, fasse la passerelle entre extrême gauche et extrême droite, confie un stratège du chef de l’Etat. Pour lui, c’est un Christophe Mercier potentiel. D’ailleurs, Ruffin fait du Mercier, il se filme dans sa cuisine… »

D’où l’attention particulière portée à des figures populaires, se posant en défenseur du peuple contre les élites. Il y a quelques jours, M. Macron a appelé Jean-Marie Bigard, par l’intermédiaire de Patrick Sébastien. L’humoriste, soutien des « gilets jaunes », avait critiqué le gouvernement, peu avant le déconfinement. « J’en ai marre de voir des guignols nous diriger », s’indignait-il sur Instagram, en plaidant pour la réouverture des « bistrots ». L’humoriste a assuré que le chef de l’Etat lui avait donné « raison », en lui promettant un « échéancier ».

Forte impopularité

Le 9 avril, Macron avait également créé la surprise en rendant visite à Didier Raoult, défenseur de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19. L’infectiologue controversé s’en était félicité, louant un « homme intelligent » qui « comprend tout ». M. Macron l’avait qualifié de « grand scientifique ». « En allant le voir, il a délégitimé sa posture », positive un proche du président. Dans un registre différent, le chef de l’Etat a décroché son téléphone le 1er mai pour appeler Eric Zemmour, agressé dans la rue. L’information a fuité dans Valeurs actuelles« Entre un Bigard, un Zemmour, un Raoult ou un Philippe de Villiers [à qui Macron a promis la réouverture du Puy du Fou, en Vendée], il y a un lien : la France populaire », note un conseiller.

Lui-même plongé dans une forte impopularité, dont personne ne semble pour le moment profiter dans le champ politique traditionnel, le président de la République fait le choix de « traiter » ces figures plutôt que de les ignorer. Une façon de montrer qu’il considère ce qu’elles représentent. « Il sent la marmite qui bout, tente de reconquérir ces gens-là, même en transgressant », observe le sondeur Jérôme Fourquet. Même constat du côté du spécialiste de l’opinion Jérôme Sainte-Marie, qui note que le chef de l’Etat s’emploie ainsi à « capter la popularité » de ces « porte-parole de la contestation ».

S’il prend le risque de leur donner une aura plus grande encore, le chef de l’Etat fait au contraire le pari que cette stratégie contribuera à leur faire perdre une partie de leur pouvoir d’attraction auprès des « antisystèmes ». En 1907, le viticulteur Marcelin Albert, surnommé le « Rédempteur », était devenu le porte-voix des vignerons d’Argeliers, pendant la grande crise viticole du Midi. Jusqu’au jour où Georges Clemenceau l’avait reçu à Paris. Le leader s’était retrouvé soudain conspué par la foule qui l’avait adoré.

 

2) Mendès-France

on regardera avec intérêt ces différents extraits

ITV complète

sur le gaullisme

sur les partis

sur le citoyen

3) Alain, Réponse à l'enquête « Qu'appelez-vous droite et gauche?», Librairie du Dauphin, 1931, p. 65 et 66-67.

Lorsqu'on me demande si la coupure entre partis de droite et partis de gauche, hommes de droite et hommes de gauche, a encore un sens, la première idée qui me vient est que l'homme qui pose cette question n'est certainement pas un homme de gauche.

[ ... ]

Il y a un lyrisme de droite et un héros de droite, comme il y a un lyrisme de gauche et un héros de gauche. L'un en face de l'autre, ils sont comme la nuit et le jour, comme le bien et le mal. Vous dites que cette pensée est enfantine: cette opinion est de droite. Il n'y a jamais de doute, et les réactions sont vives et claires. Servir en commandant, imaginer d'après cela une vie sans peur et sans reproche, à la manière de Bayard, à qui la fidélité et le courage suffisaient ; et d'y penser seulement, quand on manquerait de tour de poitrine, sentir ses yeux mouillés de larmes, voilà le lyrisme de droite. Je ne le diminue pas. Observez, et vous verrez que l'amour de la patrie est une absolution pour toute injustice. L'homme est beau quand il paie de sa vie cette arrogante promesse à soi. Mais si Bayard n'est pas mourant au pied de l'arbre, je deviens froid comme un usurier. Il est trop facile de payer d'une mort imaginaire une vie bien réelle, de puissance, de jouissance, de sévérité, et de mépris. Quiconque se donne ce lyrisme, et se prépare ce pardon, celui-là est de droite.

Est de gauche, au contraire, le héros d'intelligence. Je ne veux pas dire qu'il soit très intelligent, ni très savant; on peut être très intelligent et trahir l'esprit dix fois par jour. Le héros d'intelligence se dit, en ses meilleurs moments, que l'honneur de l'homme serait de vivre selon le vrai, quoi qu'il lui en puisse coûter; et que la première trahison est de se boucher les yeux à ce qui le gêne, prenant même l'ironique précaution de se dire et de dire que nul ne peut connaître le vrai. Ponce Pilate, demandant: « Qu'est-ce que la vérité?» était-il assez homme de droite. Et cette ironie est bien forte. Malheureusement pour Ponce Pilate, il se trouve des cas où la vérité est simple comme tout : le plus âne des hommes ne s'y trompera pas s'il le veut bien. Exemple, l'affaire Dreyfus. Aussi quelle coupure ! Nos Ponce Pilate en saignent encore. Or les choses en sont là et toujours là; vienne l'occasion, les partis sont pris; et voilà la coupure.